Vie chère : ne nous trompons pas de débat !

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Le faux débat des « monopoles »

L’habituel serpent de mer des prétendus monopoles revient encore à la surface de l’actualité. Avec une nouveauté cependant : cette fois il entend se matérialiser dans un texte de loi. Tentons de résumer le débat pour le rendre plus clair aux yeux du grand public.

Un écart  est généralement constaté entre les prix des produits vendus en métropole, et ceux vendus dans nos régions. Les écarts moyens les plus sérieusement calculés pour les produits alimentaires font état de prix supérieurs chez nous de 30 % si on tient compte du panier type métropolitain ou 14% si on prend comme référence le panier type de nos régions, composé des produits que nous consommons réellement. 

Il est assez facile de comprendre que les prix des produits vendus ici soient plus élevés qu’en métropole. Chacun sait que le produit supporte les coûts de deux ports, un d’embarquement et un de débarquement, d’une traversée de l’atlantique, d’un stockage plus long dans un dépôt construit aux normes anticycloniques, de l’octroi de mer etc.

La question que l’on peut se poser est la suivante : cet écart s’explique, mais son niveau est-il justifié ? Et c’est là que notre serpent pointe la tête. L’écart serait exagéré parce que les situations de monopole et autres dysfonctionnements du jeu de la concurrence permettraient aux vendeurs de pratiquer des prix plus élevés. Malgré la technicité du sujet, le grand public n’est pas désarmé pour se faire une opinion.

Qui peut ignorer que deux acteurs majeurs de la grande distribution ont récemment disparu du paysage ? Si la situation était anormalement confortable, les groupes Cora et Lancry/Leclerc n’auraient pas été abattus par des déficits gigantesques.

Comment, d’autre part, ne pas remarquer la concurrence que se font les acteurs dans ce secteur emblématique de la grande distribution, le plus stigmatisé ? Créations de nouveaux points de ventes, introduction de nouvelles enseignes, de nouveaux concepts comme le hard discount il y a quelques années, batailles de prix par catalogues interposés, mise en avant des produits à marque distributeur, séduction du consommateur en améliorant l’offre de produits locaux… On voit bien que si une ou plusieurs enseignes s’endorment, un ou plusieurs autres petits ou gros malins lui font rapidement un sort dans cette bataille quotidienne arbitrée par le consommateur.

On  pourrait faire les mêmes observations dans la plupart des secteurs de l’économie. Alors pourquoi une loi orientée spécifiquement sur les entreprises d’Outre mer ? Le droit français, peu suspect de laxisme en la matière, ne permet-il pas de lutter contre ce type de dysfonctionnement ?  Peut être aura-t-on une partie de la réponse en examinant le sort fait aux mesures de compensation de nos handicaps structurels. Mettre le projecteur sur de soi-disant comportements déviants des acteurs économiques permet de détourner l’attention des coups portés aux mécanismes existants.

Le vrai débat : des mesures de correction des handicaps

Aux surcoûts dont nous avons vu plus haut les causes, s’ajoutent de nombreux facteurs qui pèsent sur le développement économique de nos territoires. On cite souvent à juste titre l’éloignement, la petite taille des marchés, le fait que notre environnement régional soit composé de pays à faible pouvoir d’achat et main d’œuvre bon marché. Par le passé, les différents gouvernements ont contribué à palier ces handicaps – reconnues par l’Europe elle-même – en adoptant des mesures spécifiques plus ou moins fortes selon les époques.

La défiscalisation des investissements portant sur les outils industriels et touristiques ont apporté des financements à coût préférentiel à ces secteurs qui auraient eu des difficultés à en trouver de façon classique. Les allègements de charges sur les salaires étaient destinés également à réduire partiellement le coût du travail. L’aide au fret a permis aux industries locales d’importer à meilleur coût ses matières premières. De même, le mécanisme de la TVA non perçu récupérable constituait également un levier pour l’investissement.

Ces dispositifs ont remarquablement joué leur rôle. Des industries performantes sont nées ou se sont modernisées grâce à eux. Pendant longtemps les taux de croissance de nos départements faisaient envie au reste du pays. Comment lutter contre les mastodontes mondiaux sans de tels mécanismes ? Les consommateurs finaux bénéficiaient directement quant à eux de taux de TVA plus faibles qu’en métropole et indirectement de tout ce qui contribuait au développement de l’économie locale et de l’emploi.

Le débat aujourd’hui ne peut porter sur une diversion que constituent les prétendus monopoles. Car il faudra bien parler des mesures de correction des handicaps qui sont supprimées ou rognées. Il faudra bien parler de l’aide au transport des matières premières industrielles qui passe de 75 % à 25 %, des charges qui pèsent sur les salaires, du mécanisme de la défiscalisation qui risque d’être rendu inopérant.

Il faudra bien dire quelles sont les ambitions nouvelles en matière de compensation des handicaps structurels. Il faudra bien parler des projets concrets. Car tout le monde est concerné, pas seulement des chefs d’entreprises, boucs émissaires de service.

Les membres du bureau de Contact-EntreprisesLe 20 septembre 2012

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