Christian RAPHA, secrétaire général du Parti Régionaliste Martiniquais, publie une tribune libre intitulée « Pour une Martinique entrepreneuriale » dans le but de faire face aux enjeux de développement pour tous et d’intégration caribéenne.
La question d’un développement économique durable pour la Martinique est un enjeu majeur et celui du ré-équibrage des territoires également. L’impact de ce développement se traduira sur le champ social, sur la santé, sur l’éducation. Bref, ce sont l’ensemble des activités humaines qui sont structurées par une économie pensée durablement et équitablement; et la culture n’y n’échappe pas.
On ne peut plus se contenter des réponses partielles apportées par les nombreux dispositifs législatifs empilés et parfois contradictoires mis en place par les pouvoirs publics pour tenter d’assurer, en vain, des relances. Ces mesures nécessairement temporaires, très souvent critiquées à leur lancement, tout en étant jugées pas assez pérennes lorsqu’elles arrivent à échéance, qui s’adressent prioritairement à certains secteurs, dont on n’évalue rarement l’impact, qui s’empilent sur d’autres dispositifs destinés au développement économique… font, au bout du compte, l’effet d’un pansement
sur une jambe qui nécessite une opération !
Le mal profond qui ronge notre pays est d’abord celui de l’indifférence, de la mésestime, voire de la défiance à l’égard de l’Entrepreneur.
Le président de l’UDE-Medef Guadeloupe, Willy ANGELE disait au moment de son élection en 2008 « nous devons avoir le courage de dire et répéter que créer son entreprise ne rime pas avec voleur. Il n’y a pas de développement sans prise
de risque, pas de développement sans audace ».
Et c’est, plus largement, l’acte d’entreprendre, pris dans le sens de prise d’initiatives qui est déprécié. C’est, plus récemment Claude Allègre qui affirme que ce mal ronge en profondeur la société française dans son ensemble « la peur du lendemain a remplacé l’esprit d’entreprise » depuis des décennies.
Dans son numéro hors-série de mars-avril 2008, le magazine Population & Avenir souligne que dans la mentalité française en particulier « tout continue à se passer comme si un salarié était un pauvre en puissance et un travailleur indépendant ou responsable d’entreprise quelqu’un de potentiellement riche. Cette distinction n’a jamais correspondu à la réalité. Il y a toujours eu des salariés riches et des salariés en situation de précarité. Il y a toujours eu des travailleurs indépendants riches, et d’autres pauvres ». Ce sont ces aprioris, véhiculés notamment dans les discours manipulateurs qui ne visent qu’à caricaturer une réalité économique complexe, qu’il convient de combattre sans relâche.
En Martinique, le sujet est « brulant » ; il implique non seulement une réorientation de nos programmes d’action mais surtout un changement des discours ambiants pour lever les préjugés portés sur l’acte de production et la création de valeurs économiques et, par voie de conséquence, sur l’entrepreneur. C’est un changement de mentalité auquel nous sommes appelés. C’est une démarche urgente à l’heure où la Martinique demande à rejoindre l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale et l’Association des Etats de la Caraïbe et, par là-même, à coopérer économiquement avec ces Etats.
Si nous disposons de certains atouts au regard des îles voisines (niveau de formation, niveau d’équipements …) nous ne transformons pas ces atouts en avantages touristique et économique. Notre niveau de vie repose encore pour une trop large part sur des ressources externes dont la diminution est clairement annoncée (subventions d’Etat, aides européennes, part de fonctionnaires dans la population active …). Or, nos voisins caribéens, confrontés à l’impérieuse nécessité de produire leurs propres richesses depuis plusieurs décennies, sont prêts aujourd’hui à assumer une dynamique économique concurrentielle. A titre d’exemple, ils ne nous ont pas attendus pour truster le tourisme nord-américain et ses devises.
Ce sera à nous de forger notre place si nous souhaitons siéger pleinement dans le concert caribéen sans continuer le jeu psychologique malsain qui consiste à revendiquer un jour la responsabilité et le lendemain à nous précipiter dans les bras de l’Etat bouc-émissaire dès qu’il convient de… régler un conflit social, obtenir de nouveaux financements.
Une coopération étroite entre tous les acteurs économiques martiniquais, leurs représentants et l’administration est indispensable pour assoir un développement économique véritable de la Martinique qui devrait être, sans équivoque, notre intérêt commun. Notre capacité à écouter chaque proposition et à retenir la meilleure pour la Martinique, quel que soit son initiateur, pourrait être un critère d’évaluation de notre engagement sincère et loyal au service de notre île.
C’est ici l’homme politique qui lance un appel à transcender les courants et les idéologies sur ce sujet crucial parce que c’est NOTRE AVENIR qui est en jeu.
L’entrepreneuriat : un repère pour la jeunesse
Dans un monde imprévisible où les changements et revirements sont une constante, développer et valoriser l’esprit d’entreprise devient une priorité et une condition nécessaire à l’épanouissement de chacun et plus encore pour les jeunes générations baignées dans un monde sans frontière. En effet, comme le constate clairement en 2006 la Commission des communautés européennes « l’intérêt de la formation en entrepreneuriat ne se limite pas à un accroissement du nombre de nouvelles entreprises, au lancement de projets innovants et à la création d’emplois. L’entrepreneuriat est une compétence clé pour tous : elle aide les jeunes à être créatifs et à acquérir un surcroît d’assurance dans toutes les activités qu’ils entreprennent et les incite à agir de manière socialement responsable ».
Il en ressort une société capable de transformer des opportunités en activités économiques ou sociales créatrices de richesses. Bien que limitée à quelque 1000 km2, nous pouvons sans complexe lister des opportunités à transformer que nous envient toutes les îles voisines :
- une population avec un niveau de formation très large et de qualité
- des richesses culturelles et patrimoniales rares dans le bassin caribéen
- des infrastructures de qualité.
Des propositions pour avancer
Développer la culture d’entreprendre en Martinique est un véritable projet de société porteur d’espoir qui place finalement la personne avec toutes ses ressources créatrices, sa motivation, ses compétences au cœur du système de décisions. Il ne s’agit pas de faire de tout le monde un chef d’entreprise. Loin de se limiter à la création d’entreprise, l’état d’esprit entrepreneurial et les qualités et comportements qu’il reflète n’est pas réservé aux dirigeants.
Dans son activité quelle qu’elle soit, chacun peut faire preuve d’un esprit entrepreneurial. Je pense ainsi à cette chorégraphe des Terres Sainville qui ne cesse de proposer et d’impulser des projets dans son environnement, bien au-delà
de son métier. C’est pourquoi, nous demandons à l’ensemble des acteurs du monde économique (syndicats patronaux et de salariés, chambres consulaires, associations du monde économique, conseil régional…) d’unir leurs forces et leur créativité pour lancer un vaste programme visant à développer une Martinique entrepreneuriale.
Depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, la possibilité d’expérimentation est inscrite dans la Constitution (à l’article 37-1 et à l’article 72, alinéa 4) et offre donc à tous les départements français la possibilité d’expérimenter des dispositifs dérogatoire du droit commun. D’autre part la révision constitutionnelle de 2003 et sa loi organique d’application de 2007 ont rendu possible les habilitations à fixer nous-mêmes les lois et règlements dans des champs à circonscrire.
Afin de montrer l’ambition de ce programme et notre réelle volonté d’un développement endogène non assisté, nos institutions pourraient soumettre une demande d’habilitation ou d’expérimentation autour d’un ensemble de politiques publiques (par exemple en matière d’accompagnement de la création, de financements de la pérennité, d’aide à l’export, de développement de la pédagogie entrepreneuriale, de soutien à l’innovation…) favorables au développement d’une économie entrepreneuriale endogène.
La Martinique pourrait alors s’enorgueillir d’être pionnière sur une démarche qui s’apparente à un véritable projet de société.
3 commentaires
Merci pour le partage de cette tribune libre!
Je pense que les jeunes doit être sensibilisés à l'entreprenariat dès leurs plus jeunes ages afin d'éviter qu'ils aient le même état d'esprit que leurs parents (pessimiste, défaitiste et malsain envers les personnes qui prendre le risque d'entreprendre).
Des initiatives tels que https://www.lucyetvalentin.com peuvent être envisagées dans les écoles Martiniquaises et Guadeloupéeennes.!!
Lucy et Valentin, une excellente idée que nous souhaitons mettre en œuvre en Martinique. Nous sommes en contact avec les auteurs de la BD, mais il nous manque un partenaire financier sur ce projet.
tout à fait d'acord avec toi Jordan, c'est ce qu'il manque aujourd'hui : un enseignement de l'entrepreunariat. C'est dommage que seuls les étudiants en ecole de commerce en bénéficie. Alors que tout un chacun est entrepreuneur, à sa manière : décider de passer son permis, inviter des amis à diner, apprendre à surfer…Pourquoi faut-il avoir un Bac+5 pour apprendre à être sur de soi et mener ses projets a bien?