Mardi 7 mars 2017, à l’initiative de Contact-Entreprises, s’est tenue la deuxième réunion « point de conjoncture » autour de Pierre-Yves le BIHAN, directeur de l’IEDOM, et des principaux représentants des secteurs économiques martiniquais.
Pierre-Yves le BIHAN dresse un état des lieux relativement optimiste de la situation conjoncturelle de la Martinique :
L’indicateur du climat des affaires indique un regain d’activité en Martinique
Au quatrième trimestre 2016, l’indicateur du climat des affaires (ICA) publié par l’IEDOM progresse de façon sensible (+4,8 points), confirmant l’inflexion observée au trimestre précédent. Il s’établit désormais à 106,3 points, nettement au-dessus de sa moyenne de longue période.
Cette évolution est portée par les appréciations favorables des chefs d’entreprise, tant sur le trimestre écoulé que sur les trois mois à venir.
En effet, la quasi-totalité des soldes d’opinion est orientée positivement. En particulier, l’amélioration de l’activité sur le trimestre contribue significativement à la hausse de l’ICA. Seules les évolutions des délais de paiement et de la trésorerie sur les trois derniers mois modèrent cette progression.
Dans ce contexte, les entrepreneurs semblent reprendre confiance et leurs prévisions d’investissement regagnent en dynamisme.
Les indicateurs macro-économiques sont plutôt bien orientés
- Les prix à la consommation restent stables.
- Bien que toujours très élevé (19%), le taux de chômage diminue.
- La consommation des ménages résiste, malgré un tassement de la consommation alimentaire.
- Les ventes automobiles progressent et atteignent enfin le niveau de 2009. Cette croissance est essentiellement portée par les particuliers et les ventes destinées à la location courte durée.
- Les crédits à la consommation repartent à la hausse après de longues années de baisse.
- Les prévisions d’investissement et les crédits d’investissement des entreprises sont en progression.
- Les échanges extérieurs (importations et exportations) progressent également.
La banane, une dynamique stoppée brutalement en octobre 2016
Si la tempête Matthew n’avait pas traversé la Martinique, le secteur de la banane aurait connu une année porteuse avec une production en hausse de plus de 5%. La tempête survenue entre temps et les mauvaises conditions climatiques qui ont suivi sont venues casser brutalement cette dynamique, en balayant les prévisions de croissance. En effet les pluies abondantes et régulières de la fin d’année 2016 ont provoqué une très forte attaque de la cercosporiose noire, ce qui a perturbé le redémarrage des bananeraies touchées par la tempête Matthew et, in fine, généré de nouvelles pertes de production. L’impact prévisionnel de cette crise correspond à une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 80 millions d’euros sur 3 ans (2016-2018) pour le secteur de la banane, avec :
- Pour 2016 : une production de 180.000 tonnes au lieu des 215.000 tonnes attendues,
- Pour 2017 : une prévision de production 145.000 tonnes, soit a minima 60.000 tonnes de perte de production,
- Pour 2018 : une prévision de production de 180.000 tonnes, soit a minima 30.000 tonnes de perte de production.
Autre point d’inquiétude : la situation des dossiers de financement européens qui rend plus difficile que jamais la mise en place des investissements agricoles. Les fonds FEADER sont en effet bloqués depuis trois ans. Ce sont 350 dossiers en instruction qui sont en attente à la CTM. Si ces dossiers ne sont pas rapidement instruits et validés, plus de 50 millions d’euros ne pourront pas être investis dans l’économie locale, privant ainsi d’activité de nombreux professionnels. Car il faut rappeler que ces fonds servent à développer les équipements des exploitations agricoles et ouvrent mécaniquement des marchés pour les artisans locaux : agrandissement de hangars, aménagement des traces… Autre sujet d’inquiétude : la difficulté de recruter de la main d’œuvre. Etrange paradoxe dune filière d’excellence qui ne parvient pas à recruter des collaborateurs sur un territoire rongé par le chômage !
La canne, un léger mieux
La campagne cannière 2017 s’annonce correcte avec des premiers chiffres sur les rendements et sur la teneur en sucre satisfaisants. Les prévisions sont d’environ 215.000 tonnes, ce qui reste très insuffisant au regard des besoins des distilleries et de la sucrerie.
La diversification agricole est en grande difficulté, aussi bien en maraîcher qu’en élevage, du fait notamment de l’atomisation des structures et du manque d’organisation des filières.
Le BTP continue de s’effondrer
La commande publique est toujours à l’arrêt. Les investissements privés qui devraient résulter des projets financés par les Fonds Européens sont gelés. Les ventes de ciment continuent de chuter traduisant directement l’effondrement des marchés.
La promotion immobilière privée fait preuve d’un certain dynamisme, mais les volumes de marché restent très faibles. Les rares projets existants, notamment dans l’hôtellerie, sont gelés pour des raisons administratives et bancaires. Il existe pourtant de vrais besoins de rénovation des hôtels qui pourraient alimenter le BTP et relancer l’offre d’accueil.
L’agrandissement de l’aéroport du Lamentin reste aujourd’hui le projet principal sur lequel comptent les acteurs pour obtenir une bouffée d’oxygène. Ces derniers s’inquiètent de l’absence de vision globale, de programmes à venir, et du manque absolu de visibilité qui obère leurs perspectives.
Faute d’activités, l’emploi BTP continue de fondre. Ici encore, la gestion des fonds européens est pointée du doigt : le carburant financier de ces fonds ne circule pas, et c’est tout le système économique qui est grippé, et en premier lieu le secteur du BTP qui n’attend qu’un chose : que la commande de chantiers arrive !
Le tourisme, une dynamique fauchée par la crise du Zika
Alors que l’année commençait bien, les chiffres se sont brutalement inversés à compter d’avril 2016, au moment où la crise du Zika a connu un retentissement national avec les déclarations « dévastatrices » de la Ministre Marisol TOURAINE. Le taux d’occupation des hôtels a chuté de plus de 3 points en 2016 pour atteindre 62%. Les résultats de début 2017 sont légèrement inférieurs à ceux de 2016 pour les hôtels, bien que le trafic des voyageurs augmente de manière significative, et que les autres activités touristiques se portent mieux.
Les membres de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie militent pour le maintien d’un observatoire statistique indépendant, et préconisent que le cabinet MKG, qui opère par ailleurs sur l’Europe et d’autres destinations de la Caraïbe, assure cette fonction. Depuis trois ans, MKG fournit en effet les statistiques pour les hébergements en Martinique et pourrait élargir ses études sur d’autres secteurs : aéroport, croisière, plaisance, musées, centres de loisirs, loueurs de voitures…
En résumé, si la situation économique semble s’améliorer, il demeure encore trop de contraintes qui pèsent sur les comptes d’exploitation des entreprises. Lenteurs administratives, excès de normes, manque d’efficacité des services publiques, délais de paiement… sont autant de freins à l’esprit d’entreprendre. Les difficultés liées à l’instruction des dossiers des Fonds Européens désespèrent les investisseurs, d’autant plus qu’aujourd’hui le risque de dégagement d’office de ces crédits n’est plus exclu !