A l’heure où le délicat sujet de la vie chère dans les départements d’Outre-mer échauffe les esprits, il nous est apparu utile de tordre le coup à quelques clichés et de rappeler ici des vérités sur la grande distribution alimentaire en Martinique, afin d’objectiver les débats :
Il n’y a aucune situation de monopole en Martinique :
Il existe au contraire une très forte concurrence entre les différents acteurs. Hormis les distributeurs indépendants, cinq groupes opèrent sur le marché de façon globalement équilibrée, ce qui est souvent bien plus que dans d’autres régions comparables de France :
- Groupe PARFAIT, enseigne Hyper U
- Groupe HO HIO HEN, enseignes Géant, Casino, Ecomax
- Groupe SAFO, enseignes Carrefour Market, 8 à Huit, Proxi
- GBH, enseigne Carrefour
- Groupe FABRE, enseignes Leader Price, Franprix
- Autres indépendants
- Rappelons la disparition récente de deux acteurs reconnus de la distribution, CORA et LANCRY (enseigne Leclerc)
Contrairement aux idées reçues, l’offre est très diversifiée en Martinique :
Diversité d’acteurs, d’enseignes, de tailles de magasins, et donc diversité de l’offre : marques nationales, marques de distributeurs, marques discount / premier prix, marques locales.
Les distributeurs utilisent plusieurs modes d’approvisionnement en local (producteurs locaux, grossistes, succursales locales de marques nationales) et à l’import (fournisseurs en direct, centrales nationales des enseignes, plateformes logistiques…).
Concernant les grossistes, il n’y a pas de situation de monopole, d’oligopole, ou de concentration.
Il existe en Martinique environ 20 sociétés de grossistes. Seules 4 d’entre elles appartiennent à un groupe de distribution alimentaire : Martinique Viandes et Scagex (Groupe Safo), Multigros (Groupe Ho Hio Hen) et Sodicar (GBH). Les distributeurs (petites, moyennes, et grandes surfaces) travaillent avec tous les grossistes et il n’y a aucune concentration verticale : à titre d’exemple, Sodicar représente seulement 4% des achats des magasins Carrefour de GBH ; conformément à la législation déjà en vigueur, les contrats établis par cette société ne comportent bien évidemment aucune clause d’exclusivité.
Ces intermédiaires permettent de créer des synergies logistiques sans lesquelles il y aurait des surcoûts encore plus élevés pour assurer un même service (transport, stockage). Leur rôle économique et social est essentiel : ils sont pourvoyeurs d’emplois, et permettent aux petites surfaces de s’approvisionner directement, donc aux communes qui les abritent d’y maintenir de l’activité.
Leclerc a tenté en Martinique de travailler uniquement en direct, sans passer par les grossistes ; les conséquences en ont été les suivantes :
- Importantes ruptures en produits, et donc baisse de la diversité de l’offre pour les consommateurs ;
- Impossibilité de suivre les opérations de promotions locales mises en place par les grossistes, donc baisse de l’offre à bas prix ;
- Surcoûts en merchandising et en logistique qui impactaient nécessairement les prix et la rentabilité de l’entreprise.
Sur un marché restreint de 400 000 habitants, aucun magasin, aucune chaine de magasin, n’est capable d’importer seule, les gammes de produits des marques nationales. Les volumes minima de commandes auprès des usines et les volumes induits de stockage sur place empêchent de faire venir directement de la marchandise par enseigne. Or les consommateurs de Martinique ont les mêmes attentes que tous les consommateurs : des produits importés et des produits locaux.
Formation des prix et marges : les marges ne sont pas plus élevées en Martinique
La marge s’applique en effet sur le prix de revient d’un produit. Le prix de revient d’un produit importé est composé du prix d’achat ajouté des éléments spécifiques ci-après :
- Coût de manutention portuaire en Europe ;
- Transport maritime ou aérien (indispensable pour les produits frais qui ont une durée de vie très courte) : le coût du transport ne tient pas compte de la valeur mais du poids ou du volume des produits acheminés ; il est donc d’autant plus élevé que le produit est bon marché.
- Coût de déchargement sur le port de Martinique (coût parmi les plus chers du monde avec des risques sociaux importants) ;
- Octroi de mer ;
- Transport routier du port vers les entrepôts ;
- Coût de dépotage des containers ;
- Coût du tri, de la palettisation et du rangement des palettes dans les entrepôts ;
- Coût du stockage dans les entrepôts, et coûts de main d’œuvre afférents ;
- Coûts de stocks, d’inventaire, et de « casse » (coûts de casse plus élevés du fait de l’éloignement).
L’ensemble de ces éléments impacte le prix d’achat d’environ 30% avant que ne soit appliquée la marge de distribution.
Les marges pratiquées par les distributeurs ne sont pas plus élevées que celles appliquées en Métropole : elles ne constituent pas le bénéfice du commerçant. Elles servent à payer ses charges d’exploitation :
- Coûts immobiliers (coûts supérieurs du fait de la taille des réserves des magasins qui sont plus importantes que celles des magasins en métropole ; et du fait des constructions parasismiques et anticycloniques)
- Coûts salariaux (plus élevés que la moyenne nationale hors région parisienne, avec des effectifs souvent supérieurs)
- Frais généraux : publicité, coûts administratifs (coûts supplémentaires liés aux phénomènes de comptabilisation et de valorisation de la marchandise).
Le bénéfice d’un hypermarché est de 1 à 2% du prix de vente et se situe dans la stricte moyenne nationale.
La grande distribution locale est favorable à la mise en œuvre d’un Observatoire des Prix et des Marges afin que la transparence soit faite sur le niveau des prix et des marges pratiqués à la Martinique. Néanmoins il est important de mener ce type d’études à partir de méthodologies scientifiques, sur une base suffisante de références pour avoir des résultats les plus justes possible. Un hypermarché ayant parfois plus de 30.000 références, des études sur 30 ou 40 produits ne peuvent être pertinentes. De plus, il est nécessaire de mener ce type d’étude sur la durée pour éviter des écarts atypiques. Une étude approfondie a été menée en 2010 dans cette optique par des instituts référents, l’INSEE et l’IEDOM. Elle faisait état d’un écart de prix avec la métropole des produits alimentaires d’environ 30%, et qui se chiffre à 14% lorsqu’est prise pour référence la structure du panier de consommation à la Martinique.
Le métier et la volonté des acteurs de la distribution a toujours été de proposer le plus large choix de produits et de meilleurs prix au consommateur alors que le prix de revient des produits est près de 30% supérieur à celui d’un acteur en Métropole !
La part des dépenses alimentaires constituant environ 20% des dépenses d’un ménage, la distribution alimentaire ne peut être tenue seule responsable de la vie chère.
La distribution : un secteur engagé socialement et économiquement
La grande distribution représente 3.200 emplois directs et indirects et emploie proportionnellement plus de salariés qu’en métropole. L’indice de spécificité économique calculé par l’Insee montre que pour 100 emplois salariés dans le commerce de détail dans les 25 autres régions françaises, il en existe près de 110 en Martinique (contre 75 en Ile de France par exemple).
Il est à noter que le personnel salarié de la grande distribution est majoritairement jeune et qu’à l’heure où le chômage touche en Martinique plus de 60% des jeunes de moins de 25 ans, la grande distribution a montré son engagement en faveur de la formation et l’insertion professionnelle des jeunes au travers d’initiatives comme le Diplôme Universitaire de Manager de Rayon mis en place avec l’UAG.
Le secteur de la distribution est un partenaire clé pour le développement endogène.
Les achats de produits locaux des grandes surfaces alimentaires représentent 20 à 30 % de leurs achats totaux, et la distribution a noué des partenariats forts en vue de la mise en place et de la promotion de filières de production locale.
La distribution a su s’engager en faveur du pouvoir d’achat de plus nécessiteux en Martinique avec notamment la mise en place des prix BCba, et des propositions de listes de produits de première nécessité restées sans réponse de la part des pouvoirs publics.
La grande distribution n’est pas épargnée par la crise économique qui touche tous les secteurs. Elle a bien sûr le souci de pérenniser à long terme ses activités et ses emplois. Elle poursuivra ses efforts d’adaptation avec le sens des responsabilités qui la caractérise. Elle le fera dans un environnement qui l’encourage et qui reconnait clairement ses valeurs entrepreneuriales.
5 commentaires
Article très intéressant ! Merci pour toutes ces infos.
Je regrette tout de même les chiffres "ronds" et sans sources aucunes, l'auteur anonyme et le discours sur le mode affirmatif à la limite de l'autoritaire.
Au moins le contexte est clairement replacé ! Le pouvoir d'achat ne dépend pas de l'alimentaire (même si nous mangeons tous les jours, ne l'oublions pas)
Une étude comparative à l'échelle caribéenne incluant les zones continentales et insulaires éxiste-t'elle ?
BONJOUR COMMENT FAIRE POUR VENDRE MES PRODUITS EN MARTINQUE MERCI
Est-il possible d’avoir la date de parution de cet article ?
Cet article date du 29 août 2012