L’IMSEPP, Institut Martiniquais de Statistique et d’Evaluation des Politiques Publiques, organisme régional, publie ci-dessous sa lettre de conjoncture du 1er semestre 2013 intitulée « Des économies à la croisée des chemins ». Il ressort de cette analyse que la baisse de la consommation résulte essentiellement de facteurs démographiques. Mais prenons garde à ce que l’arbre ne cache pas la forêt : ne sous-estimons pas l’impact violent de « la défiance économique » et du chômage sur les comportements d’investissement et de consommation. Un diagnostic qui appelle au soutien résolu des entrepreneurs, au réveil du sens de l’initiative, à l’allègement des contraintes qui pèsent sur les entreprises et à l’exigence de performance de tous les services publiques.
La Conjoncture martiniquaise
A l’heure où cette note est rédigée, le taux officiel de variation du PIB martiniquais en 2012 n’a toujours pas été diffusé par les administrations en charge de son calcul.
Rappelons que sur la base de nos propres calculs, nous l’avons estimé, dès le mois de janvier 2013 à +0,1 % en 2012 (Lettre de l’IMSEPP n° 05 – Janvier 2013). Nous notons cependant que la dernière lettre trimestrielle de l’IEDOM (La lettre de l’institut d’Emission n°247 – Juillet 2013) annonce que « La progression du PIB pourrait être très modeste, ce qui le maintiendrait en dessous de son niveau d’avant la crise de 2009 », confortant ainsi nos prévisions.
Ce qui à nos yeux caractérise le début de l’année 2013, c’est moins l’atonie des investissements des entreprises (pouvant s’expliquer par l’attentisme des investisseurs face aux incertitudes générées par la réforme de la défiscalisation et par celle du régime de l’octroi de mer) que la confirmation de la baisse tendancielle de la consommation des ménages, étant entendu que cette baisse a un impact négatif vérifié sur l’investissement industriel.
Le vieillissement de la population martiniquaise une des raisons pour lesquelles le marché intérieur se réduit
Il est illusoire de chercher les causes principales de cette baisse de la consommation dans une réduction du pouvoir d’achat individuel ou dans la montée du chômage. Nous avons montré dans notre lettre précédente (Lettre de l’IMSEPP n° 12 – Juin 2013) que le pouvoir d’achat individuel n’avait été que faiblement affecté sur le long terme par la crise de 2009.
En dépit des divergences d’appréciation sur la situation de l’emploi, entre Pôle Emploi qui annonce une augmentation des demandeurs d’emploi et l’INSEE selon qui « le niveau de l’emploi connaît une légère reprise » (Premiers Résultats n° 95 – Juin 2013), nul ne peut nier que la situation du marché du travail ait continué à se dégrader, ni que la rémunération sociale du non-travail permette d’amortir financièrement les effets du chômage. Les non travailleurs peuvent donc, par le biais des transferts sociaux, consommer dans les mêmes conditions que les travailleurs les plus modestes, et bénéficier d’une couverture sociale convenable. Il s’agit là d’un constat qui n’est en aucune façon une justification au drame social qu’est le chômage.
La cause de la réduction de la consommation globale martiniquaise est donc à chercher ailleurs, c’est-à-dire, comme nous l’expliquons régulièrement (Lettre de l’IMSEPP n° 04 – Janvier 2013), dans la diminution et dans le vieillissement de la population martiniquaise.
Moins de consommateurs, et des consommateurs moins dépensiers, telles sont les raisons pour lesquelles le marché intérieur global qui s’offre aux entreprises martiniquaises se réduit comme peau de chagrin, et risque de continuer à le faire dans les prochaines années. Comment avec une telle perspective, avec un accès au crédit de plus en plus complexe et coûteux, avec de surcroît une baisse chaque année confirmée du volume global des marchés publics, qu’ils soient proposés par l’Etat ou par les Collectivités territoriales (Région exceptée qui investira 219 millions d’euros en 2013), s’étonner de l’attentisme, de la frilosité des entrepreneurs locaux ?
Le PIB total martiniquais se maintient à un taux supérieur
Et pourtant, comment expliquer que, malgré ce contexte, le PIB total martiniquais soit supérieur au PIB total guadeloupéen (voir Lettre de l’IMSEPP n° 10 – Avril 2013) ? Avec une population plus importante et un volume de marché plus conséquent en Guadeloupe, c’est le contraire qui aurait dû se produire.
La réponse tient à la fois au dynamisme des entreprises locales, qui malgré la crise « y croient toujours », et aux efforts déployés par la Collectivité régionale, avec le concours de l’Europe, pour ouvrir de nouvelles perspectives de développement, intéresser de nouveaux investisseurs, trouver de nouveaux touristes, prospecter de nouveaux marchés, mettre en place de nouveaux outils financiers, etc., même si ces efforts ne sont toujours pas reconnus.
La nécessité d’un « nouveau modèle économique et social » pour la Martinique
C’est pourquoi, au constat désormais largement partagé de la nécessité d’un « nouveau modèle économique et social » pour la Martinique, doit être systématiquement associée la nécessité d’accompagner, de façon concertée, consciente et réfléchie, le système productif local dans son combat pour la reconnaissance de ses handicaps et la promotion de ses atouts et de son savoir-faire.
En conséquence, s’il ne fait pas de doute que le développement de la Martinique passe par la croissance de l’emploi des martiniquais, c’est bien à travers l’expansion du tissu productif local que ce résultat sera atteint et non par le ressassement de nos handicaps historiques et structurels.