- Les ventes de ciment sont au plus bas depuis 37 ans !
- La mise en chantier des logements est en chute de plus de 40% par rapport à 2008 !
- Il faudrait construire 1.200 logements sociaux chaque année ; on n’en construit que la moitié !
- L’emploi dans le secteur du BTP s’effondre !
- Etat des lieux
Depuis 2009 le secteur du BTP est en crise profonde.
Les chiffres relatifs aux ventes de ciment donnent des indications précises quant à la profondeur de la crise.
En projection, si l’on prend en compte la tendance à -4,72% sur le premier semestre de cette année, 2017 devrait connaitre une vente de ciment de 157.000 tonnes. Ce serait le plus bas historique depuis… 37 ans !
Pendant cette période, les chiffres annuels de vente de ciment sont les suivants :
- 1980 : 169 000 tonnes
- 1982 : 183 000 tonnes
- 1988 : 239 000 tonnes (effet défiscalisation loi PONS)
- 1991 : 286 000 tonnes (maximum)
- 1995 : 210 000 tonnes (crise BTP)
- 2008 : 261 000 tonnes
- 2009 : 200 000 tonnes (crise sociale)
- 2013 : 171 000 tonnes (crise BTP)
- 2014 : 182 000 tonnes (travaux CHU et TCSP)
- 2015 : 179 000 tonnes
- 2016 : 164 000 tonnes
- 2017 : 82 000 tonnes (1er semestre)
- Les raisons de l’effondrement
Une commande publique en panne
Face aux contraintes budgétaires de l’Etat et des Collectivités territoriales et dans l’attente d’un fonctionnement normal de la CTM qui tarde à venir, les perspectives semblent incertaines.
Le niveau d’activité du BTP est largement tributaire de la commande publique. Or il semble qu’après l’éclaircie relative apportée ces dernières années par les chantiers du CHU et du TCSP, l’avenir ne soit pas particulièrement radieux.
Les projets d’importance d’ores et déjà programmés et financés sont rares.
Le plus important est celui de l’agrandissement de l’aéroport Aimé CESAIRE. Ce projet de 124 millions d’euros semble être le seul dont le financement soit bouclé entièrement. Sa mise œuvre effective a débuté.
S’agissant du projet de reconstruction du Lycée SCHOELCHER dont le coût est estimé à 70 millions d’euros sur 24 mois, sa mise en œuvre a débuté également.
Troisième projet d’envergure, le complexe environnemental de traitement et de valorisation des déchets du Petit Galion au Robert dont la construction sera terminée cette année.
Enfin, le Gand Port Maritime de la Martinique reporte à l’année prochaine la réalisation du projet d’extension du terminal commercial à la Pointe des Grives.
Ces projets n’ont pas suffi à enrayer une chute de la commande publique illustrée par la baisse quasi continue des ventes de ciment.
Autre commande publique en panne, celle des communes et des communautés d’agglomérations qui, seules ont la compétence aménagement !!!
Si le premier plan de relance de l’équipe régionale précédente avait permis d’atténuer la chute en 2011/2012, la fin de ce dispositif qui avait été proposé en 2009 par les professionnels, a quasiment réduit à néant ces opérations de proximité qui avaient l’avantage d’être accessibles aux PME locales.
La chute de la construction de logements
Depuis 2009, le secteur du bâtiment et des travaux publics est en crise. Jusqu’en 2007-2008, l’activité du secteur était portée par le logement privé. La production annuelle était d’environ 4.000 logements par an.
La remise en cause de la défiscalisation en 2008 a porté un coup à ce secteur dont celui-ci ne s’est jamais remis parce que le logement social ou la commande publique n’a pu prendre le relais. Ce coup de frein sera accentué par la fin des tous derniers dispositifs de défiscalisation au 31 décembre 2017.
D’après les statistiques du Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (Consuel) qui délivre les attestations électriques en 2015, celles-ci avaient baissé de 42,5% par rapport à 2008.
Enfin, s’agissant du logement social, les besoins sont estimés à 1.200 logements sociaux par an. Dans un parc qui compte au 1er janvier 2016 30.859 logements soit 14% de l’ensemble des résidences principales. Or en 2015, ce sont 561 logements sociaux qui ont été mis en chantier et 525 en 2016. Rappelons que de son côté, la Guadeloupe produit environ 2.000 logements sociaux chaque année !
La consommation des fonds européens est particulièrement médiocre
La consommation des fonds européens a fortement souffert du contexte de mise en place de la nouvelle Collectivité Territoriale de Martinique. Certes les difficultés de démarrage des fonds programmés pour la période 2014-2020 ont affecté toutes les régions françaises de l’hexagone ou d’outre-mer. Mais il est évident que ce problème a une acuité particulière pour les régions et collectivités territoriales d’outre-mer puisqu’elles sont les seules régions françaises en « Objectif 1 » étant donné leur retard et que leur développement est donc beaucoup plus tributaire de la consommation des fonds européens que les régions hexagonales.
Ainsi la quasi-paralysie du FEADER en Martinique n’a pas seulement des incidences très négatives sur les projets agricoles qui n’arrivent pas à démarrer. Cela concerne aussi les nombreux chantiers du BTP qui sont liés à ces projets agricoles et sont donc à l’arrêt.
L’emploi est en panne
En 2000, 6.625 emplois salariés étaient répertoriés dans le secteur de la construction. Chaque année, ce chiffre baisse. En 2013, il ne restait plus que 5.972 emplois dans ce secteur.
En 2015, le BTP a effectué des recrutements en lien avec le chantier du TCSP, permettant ainsi d’employer 6.416 salariés. Mais en 2016 et 2017, la situation de l’emploi se dégrade à nouveau.
- Les orientations pour sortir du marasme
Relancer la commande publique dans toutes ses dimensions :
- Deux grands projets structurants :
- Une nouvelle route de désenclavement : la traversière centre – nord.
- 4.000 nouvelles chambres d’hôtel et 2.500 chambres d’hôtel à rénover.
- Un plan de priorité logement social : objectif 1.200 constructions/an.
- Un programme de mise à niveau des équipements :
- Mise aux normes parasismiques.
- Mise aux normes des canalisations et des systèmes d’assainissement.
- Amélioration du réseau routier existant et interconnection des zones d’activité.
- Embellissement des communes en vue d’accroitre l’attractivité touristique.
Il s’agit maintenant de mettre en place les conditions d’une relance du BTP afin dans un premier temps d’arrêter l’effondrement du secteur et ensuite de créer assez d’activité pour que le BTP en Martinique soit de nouveau créateur d’emplois.
La Martinique doit relancer l’activité du BTP par une politique audacieuse d’équipement.
Deux grands projets structurants
La Réunion vient de relancer un vieux projet de route, la route de l’Est. Le 12 avril, a eu lieu le premier comité de pilotage de cet important projet. Il devrait aboutir à une ouverture de cette route de 40 kms d’ici 2020. Ce projet permettra bien sûr à la Réunion de consommer un maximum de fonds européens avant que cette source de financements devienne de moins en moins accessible.
La Martinique doit elle aussi lancer un grand projet structurant. Ce pourrait-être l’axe routier centre nord dont la nécessité est évidente pour rompre l’isolement de larges portions de notre territoire, et aménager de nouvelles zones d’activité et de tourisme.
Un deuxième projet structurant pourrait être la construction de 4000 nouvelles chambres d’hôtel et la rénovation du parc hôtelier actuel (2500 chambres au moins) aux fins de nous remettre dans la compétition touristique régionale.
Il s’agirait d’un vrai projet de développement avec une valeur ajoutée incontestable pour le territoire.
En effet, si l’on considère un cout moyen de chambre de 200 000 euros et de 50 000 euros par chambre rénovée, il s’agit d’un plan de 925 millions d’euros !!!
Ce sera surtout un plan qui permettra avec un impact de 0,9 emploi direct et indirect par chambre de créer près de 3600 emplois permanents sans compter l’augmentation positive de la balance des paiements de la Martinique en augmentant la fréquentation touristique.
Une relance du logement social
Il est impératif également que la production de logements sociaux dont les besoins sont élevés retrouve un niveau acceptable.
Un objectif de livraison de 1.200 logements sociaux par an pendant plusieurs années semble un plancher atteignable.
Un programme de mise à niveau de nos équipements
Plusieurs secteurs sont concernés :
- La mise aux normes parasismiques recouvre un volume important de travaux notamment pour les équipements publics. Même si ce chantier a débuté depuis plusieurs années, l’essentiel reste à faire.
- La mise aux normes des équipements de distribution d’eau potable et d’évacuation des eaux usées représente lui aussi un volume de travaux conséquent.
Le poids économique du secteur des entreprises de canalisations est en forte baisse en Martinique sur les 5 dernières années (CA passé de 38 millions d’euros en 2012 à 28 en 2015). Malgré un impact social apprécié notamment par l’importance de la part des emplois non qualifiés.
Or les 400 emplois actuels sont difficilement conservables dans le cadre d’une gestion au fil de l’eau.
Autre enjeu d’une redynamisation de secteur, la mise en conformité des réseaux avec les obligations environnementales introduites par la loi Grenelle 2 (on observe près de 40% de fuite sur le réseau d’eau potable), les exigences de traitement de la directive dite « eaux résiduelles urbaines » et là aussi la mise aux normes parasismiques.
La profession a demandé un financement exceptionnel de 40 millions d’euros aux maîtres d’ouvrage que sont l’Etat et la CTM pour débloquer une première vague de projets qui ont déjà fait l’objet d’études de maitrise d’œuvre mais sont bloqués par manque de capacité d’investissement. Cette intervention pourrait avoir lieu dans le cadre de la réflexion en cours sur un « Plan Eau DOM ».
Par ailleurs il faut également prévoir une amélioration du réseau routier existant et une interconnexion des zones d’activité aujourd’hui totalement asphyxiées.