Le 14 juillet 2012, le Président de la République, Monsieur François Hollande, dans son interview télévisée, annonçait la création d’une Commission de moralisation de la vie politique en France. Cette commission ad ‘hoc est présidée par l’ancien Premier Ministre, Monsieur Lionel Jospin, par nomination de l’Elysée. Depuis plus deux ans la Commission « Lois et Politique » de la Fédération Femmes 3000 – dont la délégation Martinique est présidée par Sandra CASANOVA, vice-présidente de Contact-Entreprises – travaille sur le sujet, notamment afin de rendre les femmes plus visibles par leurs compétences en politique. C’est tout naturellement que notre commission a décidé de porter sa contribution à l’occasion de la mise en place par le Président de la République, de la Commission de moralisation de la vie politique en France.
Suite à des échanges entre les membres, issues de toutes sensibilités politiques, la Commission « Lois et Politique » de Femmes 3000 propose sa participation à cette réflexion de la moralisation de la vie politique en France.
Nos propositions :
- L’interdiction de tout cumul des mandats,
- L’obligation de la parité homme/femme dans toutes les élections,
- L’obligation de posséder un casier judiciaire vierge pour être candidat à toute élection,
- L’interdiction du mélange des genres source de conflits d’intérêts,
- La création d’un code de déontologie pour les élus,
- Le conditionnement du financement des partis politiques selon l’application des lois en vigueur et à venir,
- L’instauration d’une représentativité de tous les partis par la proportionnelle.
Il importe de préciser que le Commission « Juridique » de Femmes 3000 a également participé à l’élaboration de ce travail
de réflexion, notamment pour tout ce qui est en relation avec les lois existantes, les incidences des propositions faîtes. Maître
Flavie De Meerleer, Présidente de la Commission « Juridique » avait représenté la Fédération Femmes 3000 lors d’une réunion à l’Observatoire de la Parité lors de la campagne de l’élection Présidentielle.
Interdiction de tout cumul des mandats :
Sur le principe, les politiques y semblent « favorables », en pratique, aucune réelle volonté politique de modifier de manière profonde et rigoureuse le cumul apparait. En effet, lors de notre enquête en 2011, nous avions découvert que le nombre moyen de cumuls des mandats s’élevait à 2 mandats électifs, certains élus cumulant jusqu’à 4 mandats (Député, sénateurs, élus territorial, maire, Président de Communauté d’Agglomérations ou de Communes…) Or, « Le cumul des mandats a pour effet d’affaiblir la démocratie au niveau local et national. Il réduit la compétition politique car les candidats qui exercent plusieurs mandats ont davantage de ressources que leurs concurrents. Par ailleurs, le cumul des mandats entraine un fort absentéisme des députés à l’Assemblée nationale, des sénateurs et des députés européens. Il peut également entraîner des conflits d’intérêts. » Par ailleurs à de tels niveaux de fonctions, il est difficile d’envisager une implication totale dans la gestion d’une ville, d’une communauté d’agglomération ou de communes… des élus ayant plusieurs mandats. En effet, cela suppose de déléguer à un adjoint l’une des fonctions. Dès lors, nous interpelons les responsables politiques afin de comprendre les causes de ce manque de volonté pour mieux lever ces freins. De facto, la Commission « Lois et Politique » de Femmes 3000 propose donc une loi interdisant tout cumul des mandats.
L’obligation de la parité homme/femme dans toutes les élections :
Les femmes représentent près de 53% des électeurs. Or aujourd’hui, elles sont encore sous-représentées dans le paysage politique français. Constat après les législatives 2012 : 40,0% de femmes candidates en 2012 contre 41,6% en 2007. Toutes les formations politiques n’affichent pas la même volonté de respecter l’obligation constitutionnelle en permettant aux femmes d’accéder aux mandats électoraux. En effet, seuls Europe Ecologie-Les Verts et le Front National, comme à chaque élection, ont respecté la loi. Le Front de Gauche et les partis d’extrême gauche se sont approchés des 48%. Contrairement aux déclarations d’intentions, L’Union pour un Mouvement Populaire a présenté 25,7% de candidates, soit un point de moins qu’en 2007, le Parti Socialiste a présenté 45,3% de femmes, soit 0,2 point de moins qu’en 2007. La précédente Assemblée ne comptait que 18,5% de femmes, reléguant la France à la 19ème place sur 27 en Europe pour la représentation politique des femmes. Quelques 107 femmes avaient été élues il y a cinq ans dans la précédente Assemblée nationale. 155 femmes siègeront dans la nouvelle Assemblée nationale pour 422 hommes élus, soit 26,86%.
Le bureau de l’Assemblée Nationale :
La première vice-présidence est confiée à la Députée de la 2ème circonscription du Calvados, Laurence Dumont. La Députée de la 8ème circonscription de Paris, Sandrine Mazetier et la Députée de la 2ème circonscription de la Marne, Catherine Vautrin sont également vice-présidentes respectivement 4ème et 5ème sur les six sièges que compte la vice-présidence.
Répartition des présidences des 8 commissions permanentes de l’Assemblée Nationale :
On note pour la première fois 3 présidences accordées aux femmes et notamment pour la Commission de la défense nationale et des forces armées, confiée à la Députée de la 2ème circonscription du Finistère, Patricia Adam. Pour la Commission des affaires sociales, il s’agit de la Députée de la 1ère circonscription de Haute-Garonne, Catherine Lemorton. Quant à la Commission des affaires étrangères, elle est confiée à Elisabeth Guigou, Députée de la 6ème circonscription de la
Seine-Saint-Denis et ancienne Garde des Sceaux.
Conclusions :
Même si nous observons des avancées notables de la représentation des femmes au sein de l’Assemblée Nationale avec plus d’un quart des députés élus, trois vice-présidentes et trois présidentes de commission, la parité est encore loin d’être atteinte. Le taux de femmes au Palais-Bourbon s’élève désormais à 26,86%. Rappelons que près de 47% des parlementaires sont des femmes en Suède. L’effort reste donc à poursuivre. Les retenues sur la dotation publique, prévues en cas de non parité de candidatures, ne semblent pas inciter suffisamment les partis politiques à présenter des femmes.
Deux axes majeurs sont à développer pour améliorer la parité :
- renforcer les sanctions en cas de non respect de ces règles ;
- promouvoir l’intérêt de la politique chez les femmes en les incitant à s’engager : reste à déterminer les actions pour y parvenir. Par exemple par des campagnes de communication sensibilisant les femmes au rôle important qu’elles ont à jouer en participant aux prises de décisions pour leur communes, leur circonscriptions, au niveau national… En introduisant un module de formation dans programme d’éducation civique à l’école en faisant comprendre aux élèves, futurs électeurs, l’importance que revêt de participer à la vie de la Cité. In fine la Commission « Lois et Politique » de Femmes 3000 propose une loi faisant obligation de l’instauration de la parité homme/femme pour toutes les élections.
Obligation de posséder un casier judiciaire vierge pour être candidat à toute élection :
Un rappel s’impose. La France est une démocratie. Or la démocratie vient du grec ancien dēmokratía, qui signifie « souveraineté du peuple ». De facto, la démocratie est le régime politique dans lequel, le peuple est souverain. Le Président des Etats-Unis, Abraham Lincoln, utilisait la formule suivante : « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cette formule est l’une des définitions canoniques couramment reprise, ainsi qu’en témoigne, par son introduction, la Constitution de 1958 de la Cinquième République française. Par ailleurs, le terme de démocratie ne se réfère pas uniquement à des formes de gouvernements, mais peut aussi désigner une forme de société ayant pour valeur la liberté et l’égalité, c’est notamment l’usage qu’en fait Alexis de Tocqueville, qui s’attache plus aux dimensions culturelles qu’au système politique en lui-même, ou de manière plus générale encore, un ensemble de valeurs, d’idéaux et de principes politiques, sociaux ou culturels.
Subséquemment, les élus se voient confier la souveraineté du peuple par des électeurs, mais aussi la gestion de leur commune, la représentation de leurs administrés dans leur circonscription par les citoyens français. Il doit donc être irréprochable devant la Loi qui régit notre vie en société. C’est pourquoi la Commission « Lois et Politique » propose une obligation de posséder un casier judiciaire vierge pour être candidat à toute élection. Cependant, il convient de distinguer les différents bulletins (B1, B2 et B3) – le bulletin n°1 contient l’ensemble des condamnations (remis seulement à l’autorité judiciaire) ; – le bulletin n°2, la plupart des condamnations (remis à certaines autorités administratives) ; – bulletin n°3, les condamnations les plus graves pour crime et délit (remis à l’intéressé lui-même à sa demande).
Interdiction du mélange des genres source de conflits d’intérêts :
Les affaires politico-économiques défrayent souvent l’actualité en France. Or, un conflit d’intérêts apparaît quand un individu ou une organisation est impliquée dans de multiples intérêts, l’un d’eux pouvant corrompre la motivation à agir sur les autres. Un conflit d’intérêts apparaît ainsi chez une personne ayant à accomplir une fonction d’intérêt général et dont les intérêts personnels sont en concurrence avec la mission qui lui est confiée. Même s’il n’y a aucune preuve d’actes préjudiciables, un conflit d’intérêts peut créer une apparence d’indélicatesse susceptible de miner la confiance en la capacité de cette personne à assumer sa responsabilité. C’est exactement le ressenti de beaucoup de nos concitoyens, qui écœurés par les « affaires » finissent par se désintéresser de la politique et ne votent pas. Les dernières élections législatives de 2012 accusent un fort pourcentage d’abstention. L’abstention a atteint 43,71% au second tour des législatives, selon les chiffres définitifs du ministère de l’Intérieur ne comptabilisant pas les Français de l’étranger. C’est un point de plus qu’au premier tour (42,77%) et un record absolu sous la Ve République pour ce type de scrutin.
Afin de donner un signal fort aux citoyens, la Commission « Loi et Politique » de Femmes 3000 propose une interdiction du mélange des genres source de conflits d’intérêts. Ainsi rendre incompatible un mandat électif avec par exemple : La présidence d’un CA d’une société quottée en bourse ou ayant des intérêts dans des marchés publics (Etats, régions, départements, communes) ; des incompatibilités professionnelles existent d’ores et déjà dans la fonction publique ou encore dans le métier d’avocat. L’étendre pour envisager toutes les hypothèses de conflit d’intérêt mais il faut s’assurer de cerner les enjeux de chaque profession pour ne pas se tenir à des incompatibilités arbitraires. En droit des sociétés, par exemple, la possibilité de cumuler les mandats a été encadrée par une loi de 2001 (loi sur les Nouvelles Régulations Economiques dite NRE) ; par exemple dans les sociétés anonymes, des limitations sont applicables aux dirigeants. Nous en reproduisons les termes pour vous montrer à quel point la route sera longue ; c’est apparemment une loi édictée (sur ce point) pour donner une apparence de moralité car en termes pratiques, au regard du principe et des exceptions, une même personne peut cumuler sous certaines conditions, autant de mandats qu’il le souhaite.
La création d’un code de déontologie pour les élus :
Les motifs sont les mêmes que dans le paragraphe précédent. Ainsi, une sorte de code de bonnes pratiques des élus pourrait être mis en place. La Commission « Loi et politique » de Femmes 3000 propose la création d’un code de déontologie pour les élus. A condition qu’il y ait :
- un organe de contrôle qui veille au respect de ce code (un peu comme le Bâtonnier pour les avocats) ;
- des sanctions disciplinaires efficaces en parallèle
Le conditionnement du financement des partis politiques selon l’application des lois en vigueur et à venir :
Nous voyons déjà les limites de l’application de la loi en matière de parité homme/femme en politique. Cependant, la Loi doit être la référence des partis politiques dont les élus sont issus, notamment lors des élections à caractère national et européen. De fait, les partis politiques se doivent de montrer l’exemple en respectant la Loi. Comme toute personnalité juridique morale et comme toute personne physique dérogeant à la règle, ils doivent être sanctionnés. Or pour vivre, les partis politiques ont besoin d’un financement. Le mode de financement des partis politique doit être maintenu par l’Etat afin d’éviter la corruption et de nouvelles affaires politicofinancières. C’est pourquoi, la Commission « Lois et Politique » de Femmes 3000 propose un conditionnement du financement des partis politiques selon l’application des lois en vigueur et à venir, avec des sanctions financières, voire un engagement de la responsabilité civile à l’encontre des présidents des partis politiques dérogeant à la loi. Cette proposition revient donc à créer un texte de loi sanctionnant le non-respect des règles précédemment édictées, ce qui est à la fois fondamental et ambitieux.
Instauration d’une représentativité de tous les partis par la proportionnelle :
Peut-on admettre qu’une partie de l’expression des votes des électeurs soit laissée pour portion congrue ? Même si la représentativité à l’Assemblée nationale par exemple est plus diversifiée depuis les dernières législatives de 2012. Il n’en demeure pas moins que notre Assemblée n’est pas « l’image » réelle des tendances et idées politiques pour lesquelles ont voté les électeurs. La Commission « Lois et Politique » de Femmes 3000 propose l’instauration d’une représentativité de tous les partis par la proportionnelle pour l’ensemble des élections.
Florence Samson
Membre élue du conseil d’administration, Présidente de la Commission « Lois et Politique » Fédération Femmes 3000